Les États-Unis dévoilent leur plan pour dominer le monde sur l'IA | Revue de presse n°16
J'ai sélectionné des nouvelles importantes sur l'intelligence artificielle pendant la semaine du 21 au 27 juillet 2025. Voici mon commentaire.
Bienvenue dans la seizième revue de presse de Réalité artificielle. Je me suis focalisé cette semaine sur le «AI Action Plan» des États-Unis, sur le directeur d’OpenAI qui a reconnu que l’IA renforce la surveillance de masse et sur la montée d’un autoritarisme technologique mis en place par des milliardaires de la Silicon Valley. Bonne lecture!
📰 À lire
Les États-Unis dévoilent leur plan pour dominer le monde sur l'IA
Le président des États-Unis Donald Trump a présenté mercredi à Washington le plan de son administration pour «gagner la course de l’intelligence artificielle» et ainsi garantir une domination mondiale de son pays dans ce domaine, rapporte Le Temps.
La Maison-Blanche a publié un document de 23 pages intitulé «Winning the Race. America’s AI Action Plan» pour détailler cette ambition, qui consiste avant tout en une dérégulation du secteur. L’introduction est signée par Donald Trump: «Alors que nos concurrents se livrent à une course effrénée pour exploiter ces technologies, atteindre et maintenir une domination technologique incontestée et incontestable relève d’un impératif de sécurité nationale pour les États-Unis. Pour assurer notre avenir, nous devons exploiter pleinement toute la puissance de l’innovation américaine.»
Trump unveils 'AI action plan' for US dominance in artificial intelligence race
La stratégie présentée dans ce plan repose sur trois piliers: accélérer l’innovation dans le secteur de l’intelligence artificielle, développer les infrastructures pour cette technologie et jouer un rôle de premier plan en matière de diplomatie et de sécurité dans ce domaine.
La Maison-Blanche prendra 90 mesures au cours des prochains mois pour concrétiser ce projet. Mercredi, le président a déjà signé trois décrets allant dans ce sens, indique le New York Times. Le premier interdit au gouvernement fédéral d’acheter des outils d’IA considérés comme biaisés idéologiquement. Le second va accélérer le processus d’octroi de permis pour les grands projets d’infrastructures dédiées à l’IA. Le troisième concerne l’exportation de systèmes d’IA étasuniens à travers le monde.
Contre l’IA «woke»
Le gouvernement étasunien n’a donc plus le droit d’acheter des logiciels d’IA jugés comme ayant des biais «wokes» et se procurera uniquement des modèles de langage qui partageront «la vérité» et qui auront comme priorité «l’objectivité» au lieu de «manipuler des réponses en faveurs de dogmes idéologiques tels que la diversité, l’équité et l’inclusion», cite The Verge.
«La vraie situation est évidente», estime le média technologique. «L’administration Trump utilise les fonds du gouvernement pour faire pression sur les entreprises d’IA afin qu’elles répètent les points de vue du trumpisme - dans les logiciels pour le gouvernement mais probablement aussi dans les chatbots que les entreprises et les gens ordinaires utilisent.» Cette perspective est partagée par les journalistes tech du Temps, qui affirment que le président veut forcer les éditeurs des grands modèles de langage à adopter sa ligne idéologique.
En d’autres termes, ce décret de Donald Trump a tout l’air d’être une tentative de censurer les positions politiques avec lesquelles son administration n’est pas d’accord. Il s’agit d’une dérive autoritaire et anti-démocratique.
«Les armes les plus dangereuses du monde»
Dans une analyse publiée par le New York Times, le journaliste David E. Sanger souligne le fait que l’administration Trump se soucie davantage du wokisme que des «armes les plus dangereuses du monde» qui pourront être développées grâce à l’intelligence artificielle, notamment des armes chimiques ou biologiques fabriquées avec des ingrédients facilement accessibles.
Il rapporte que les risques majeurs liés à l’IA ne sont cités qu’à l’avant-dernière page du plan présenté mercredi, qui indique que «les systèmes d’IA les plus puissants pourraient poser de nouveaux risques pour la sécurité nationale dans un future proche, dans des domaines tels que les cyberattaques et le développement d’armes chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et explosives».
L’administration Trump n’a pas présenté de mesures de sécurité pour faire face à ces risques, ce qui est d’autant plus surprenant que ces systèmes d’IA se retrouvent dans les mains de plus en plus de personnes et organisations, y compris de potentiels groupes terroristes et autres milices armées.
Au lieu de faire preuve de prudence, le gouvernement étasunien a choisi au contraire de déréguler massivement ce secteur pour accélérer son développement et son utilisation à large échelle afin de rester en tête de course et devant la Chine en particulier. Cette approche concerne aussi le département de la Défense, qui est encouragé à adopter ces systèmes d’IA de façon «agressive» malgré le fait que cette technologie fait encore couramment des erreurs telles que des hallucinations.
Un outil de surveillance et de contrôle
Le journaliste Brian Merchant, fondateur du média Blood in the Machine, voit ce «AI Action Plan» d’un mauvais oeil: «La domination sur l’IA promet le pouvoir. Elle promet une technologie qui peut surveiller, automatiser, mettre les travailleurs au pas et créer une propagande bon marché et volumineuse. Tous ceux qui sont optimistes sur l’intelligence artificielle devraient se demander pourquoi l’industrie de l’IA est si attirante […] pour un régime qui devient chaque jour plus autoritaire», écrit-il dans un commentaire.
Il ajoute que le plan présenté mercredi à Washington montre une cohérence accrue entre la Silicon Valley et le gouvernement fédéral au sein d’un État de surveillance où l’IA est déployée partout où cela est possible. Selon lui, les ambitions en IA de la Maison-Blanche ont donc avant tout pour objectif de lui permettre de consolider son contrôle, en mettant la démocratie à l’écart grâce à ces nouvelles technologies d’automatisation.
Sept nouvelles importantes cette semaine
Attention, le succès de la Suisse dans l’univers numérique ne sera jamais acquis (Le Temps)
Paléo s'aide de l'intelligence artificielle pour monitorer la foule du festival (RTS)
De l’IA à l’armée, les oligarques de la tech étendent leur empire (Le Monde)
Border Patrol Wants Advanced AI to Spy on American Cities (The Intercept)
Amazon buys Bee AI wearable that listens to everything you say (The Verge)
OpenAI CEO Sam Altman is right and very wrong about AI-faked voices (The Washington Post)
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🎥 À regarder
L’IA accroît la surveillance
Lors d’une interview avec le podcasteur Theo Von, le directeur d’OpenAI Sam Altman a reconnu que l’intelligence artificielle renforce la surveillance de masse.
«Je suis inquiet du fait que plus il y aura de l’IA dans le monde, plus le monde aura envie de surveillance. Cet outil est si puissant que le gouvernement va dire “Comment sait-on que les gens ne l’utilisent pas pour fabriquer des bombes ou des armes biologiques?”, et la réponse sera “Plus de surveillance”. Et j’ai très peur de ça», affirme le cocréateur de ChatGPT.
Selon lui, «il faut vraiment défendre le droit à la vie privée» mais il considère acceptable de compromettre en partie ce droit afin d’être davantage en sécurité. Il ajoute toutefois que l’histoire a montré «que le gouvernement va beaucoup trop loin» avec cette pratique et qu’il est «très nerveux à cause de ça».
Il précise qu’il n’y a toujours pas de cadre légal pour protéger la confidentialité des conversations avec ChatGPT et qu’OpenAI peut les transmettre au gouvernement sous certaines conditions, par exemple en cas de procès.
Lire aussi: Sam Altman warns there’s no legal confidentiality when using ChatGPT as a therapist (TechCrunch)
Les passages en question commencent à 1:09:37 et à 30:50.
Sam Altman | This Past Weekend w/ Theo Von
Sept vidéos importantes cette semaine
How AI is the New Empire (Uncivilized)
Microsoft Workers Rebel, Refuse To Work With IDF (Breaking Points)
ICE Is Secretly Tracking Millions of Americans (Taylor Lorenz)
Why we can’t stop doxxing people for fun (Taylor Lorenz)
Real or AI? The Internet Is Now Impossible to Trust (Vanessa Wingårdh)
How AI Could Quietly Control the Minds of Billions (Rich Roll)
Demis Hassabis: Future of AI, Simulating Reality, Physics and Video Games (Lex Fridman)
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🔈 À écouter
La montée de l’autoritarisme technologique
Dans le podcast Decoder, le journaliste de CNBC Jon Fortt interviewe Gil Duran, le fondateur du média The Nerd Reich.
Ils discutent de l’influence de «l’argent tech» sur la politique étasunienne et la société en général. Selon Gil Duran, des milliardaires de la Silicon Valley sont en train d’affaiblir la démocratie aux États-Unis en mettant en place un autoritarisme reposant sur les technologies numériques.
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Bonne semaine et à dimanche prochain,
Arnaud