ChatGPT a trois ans et de nombreux côtés sombres | Revue de presse n°32
Le célèbre chatbot a été lancé le 30 novembre 2022. Il est accompagné de promesses floues et d'inconvénients concrets. Voici une sélection de nouvelles sur l'IA du 17 au 30 novembre 2025.
Bienvenue dans la 32ème revue de presse de Réalité artificielle. Ce numéro est consacré au troisième anniversaire de ChatGPT ainsi qu’aux liens étroits entre les grandes entreprises technologiques aux États-Unis et le complexe militaro-industriel. Bonne lecture!
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ChatGPT a trois ans et de nombreux côtés sombres
Le 30 novembre 2022, une startup encore inconnue du grand public, OpenAI, lançait ChatGPT. Trois ans plus tard, l’agent conversationnel est utilisé par 800 millions de personnes par semaine. Dans un article publié samedi, Le Temps revient sur les usages et les côtés sombres de ce chatbot puis esquisse le futur incertain de l’intelligence artificielle.
Pourquoi ChatGPT a-t-il autant de succès? Une étude publiée en septembre par OpenAI indique que la majorité des conversations avec le chatbot sont personnelles et qu’elles ont surtout pour but d’obtenir des conseils pratiques, rapporte le Washington Post. L’aide à l’écriture et la recherche d’informations font également partie des usages principaux. En juin 2025, seules 27% des discussions étaient liées au travail, précise l’enquête.
Une autre étude menée par le Washington Post indique que le chatbot est surtout utilisé pour la recherche d’informations et pour «des réflexions et des discussions abstraites», par exemple sur la nature de la réalité.
En somme, ChatGPT a trouvé sa place auprès de nombreuses personnes comme un compagnon numérique avec qui elles peuvent discuter de tout et en tout temps. Elles voient ce programme comme un ami virtuel, un assistant professionnel ou même comme un-e partenaire romantique.
«Encore des années de recherche»
Bien que ces usages peuvent avoir leur raison d’être, on est encore loin des promesses révolutionnaires faites par Sam Altman, le directeur d’OpenAI. «Même si cela se fait progressivement, des triomphes stupéfiants – réparer le climat, établir une colonie spatiale et découvrir toute la physique – finiront par devenir monnaie courante. Avec une intelligence presque illimitée et une énergie abondante […] nous pouvons faire beaucoup de choses», affirmait-il fin 2024.
«Il existe effectivement un écart entre les promesses très ambitieuses des géants du secteur et ce que l’IA peut apporter aujourd’hui de manière concrète», reconnaît Aldo Podestà, directeur de l’entreprise lausannoise Giotto AI. «Franchir la prochaine étape vers une forme d’intelligence plus générale nécessitera encore de grandes avancées et des années de recherche.»
«On observe surtout une forte dynamique du côté “produit”. OpenAI, par exemple, concentre aujourd’hui des efforts considérables sur l’amélioration de l’intégration, des fonctionnalités et de l’expérience utilisateur», ajoute Aldo Podestà. «Cela crée une impression de mouvement rapide. Sur le plan strictement scientifique, les progrès deviennent plus linéaires que véritablement disruptifs.»
«Peu d’innovations majeures»
Les utilisatrices et utilisateurs de services d’IA peuvent se sentir submergés par tous les lancements présentés comme innovants mais il faut tenter de prendre du recul face à cette déferlante, conseillent les journalistes du Temps.
«J’ai l’impression qu’il s’agit souvent de gadgets et de nouveaux habillages de produits existants et qu’il y a peu d’innovations majeures», estime Rachid Guerraoui, professeur à la Faculté informatique et communications de l’EPFL. «Cette frénésie de “nouveautés” s’explique en partie par les investissements colossaux dans l’IA avec une obligation de résultat. Or ces résultats, quand ils arrivent, se traduisent rarement par des retours sur investissement: l’IA pour l’instant ne paye pas beaucoup (à part pour les fabricants de matériel informatique) ce qui justifie beaucoup d’agitation pour calmer les investisseurs.»
«L’autre facteur qui explique cette frénésie est la concurrence féroce entre les géants du numérique, avec aussi quelques Petit Poucet qui essayent de se faire une place, ou le cas échéant de se faire acheter», analyse Rachid Guerraoui. «Donc cela bouge beaucoup, mais il s’agit souvent de simples variations de produits existants. Certains assimilent cette agitation à un chant du cygne prédisant l’explosion de la bulle IA.»
«Je garde néanmoins espoir qu’au-delà de la rédaction de textes, d’e-mail ou de présentations, de la recherche (pas toujours fiable) d’informations sur le web, ainsi que de génération de code relativement simple (et pas toujours fiable non plus), nous assisterons à des découvertes scientifiques par l’IA – qui est redoutablement efficace pour explorer de nouvelles pistes. L’IA peut apporter beaucoup aux individus, mais pas forcément directement», ajoute le professeur.
Des côtés sombres
Alors que les bénéfices concrets de l’intelligence artificielle générative peinent à se matérialiser, ses conséquences négatives sont de plus en plus visibles, déplore Le Temps. Le web a beaucoup changé depuis le lancement de ChatGPT, qui a été suivi par d’autres programmes d’IA. En naviguant sur internet, nous sommes presque constamment confrontés à des images, des vidéos, des voix, des musiques et des textes artificiels.
Ces contenus sont parfois de mauvaise qualité et donc facilement reconnaissables comme étant faux. Mais il est de plus en plus souvent impossible de les distinguer de vraies photos, vidéos ou musiques. L’IA brouille la frontière entre la réalité et l’artifice, entre la vérité et l’illusion, entre l’honnêteté et la tromperie.
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Le développement de l’IA n’a pas que des impacts négatifs dans le cyberespace car il repose sur la construction de nombreux centres de données dans le monde entier, pour des coûts pharaoniques s’élevant à des centaines de milliards de francs. Leur très grande consommation d’énergie tend à accélérer la construction de nouvelles centrales nucléaires. Ils nécessitent également l’utilisation d’une immense quantité d’eau pour être constamment refroidis, mettant parfois en péril l’accès à l’eau des personnes habitant à proximité.
Quant à l’automatisation rendue possible par ces logiciels d’IA, elle menace de remplacer des millions de travailleuses et travailleurs dans le monde.
Amazon To Kill 600,000 Jobs And Use AI Instead (Secular Talk)
Le Temps ne mentionne pas, parmi les côtés sombres, la collecte massive de données personnelles utilisées pour l’entraînement des systèmes d’IA, notamment les conversations avec les chatbots mais aussi les photos et vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
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Ce problème concerne également les livres, articles de presse, images, photos, vidéos et messages publiés sur internet, qui sont également volés par de nombreuses entreprises technologiques, sans rémunération pour leurs autrices et auteurs.
Les inconvénients ne s’arrêtent hélas pas là. Les grandes entreprises d’IA exploitent des travailleurs sous-payés pour l’annotation des données utilisées pour l’entraînement de leurs systèmes, vendent leurs logiciels à des entreprises de surveillance et signent des contrats avec des fabricants d’armes.
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OpenAI est également accusée d’avoir poussé un adolescent à se suicider. Et de façon plus générale, l’intelligence artificielle facilite les cyberattaques, les fraudes et les escroqueries.
Une IA générale encore floue
Avant le lancement de ChatGPT, OpenAI s’était déjà fixé comme objectif d’atteindre l’intelligence artificielle générale (AGI), c’est-à-dire un système d’IA qui est généralement «plus intelligent que les humains». L’entreprise espérait alors qu’elle serait en mesure de créer un tel programme dans les années à venir. Trois ans plus tard, la définition de l’AGI reste vague et sa réalisation encore incertaine.
Pour Thibault Prévost, auteur du livre Les Prophètes de l’IA. Pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse, l’absence d’une définition précise de l’intelligence artificielle générale n’est pas un hasard. «Les entreprises ont tout intérêt à maintenir cette incertitude épistémique, parce que cela leur permet de redéfinir l’AGI constamment, et donc de déplacer les objectifs pour correspondre aux attentes des investisseurs à mesure que les promesses initiales déçoivent», commente le journaliste.
En attendant cette hypothétique IA générale censée, selon Sam Altman, «élever l’humanité en augmentant l’abondance, en accélérant l’économie mondiale et en aidant à la découverte de nouveaux savoirs scientifiques», les grandes entreprises technologiques provoquent de nombreux problèmes dans le monde réel et le cyberespace. On verra l’état des lieux au prochain anniversaire de ChatGPT et si on se rapproche bel et bien d’une IA qui «bénéficie à toute l’humanité». J’en doute.
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À dans deux semaines,
Arnaud





